On ne se comprend plus !
Profitons des vacances pour mettre les pieds dans le plat / les choses à plat / le plat à réchauffer avec nos ados et plongeons nous dans ce « ô combien bien foutu » guide d’Isabelle Filliozat, la spécialiste de la parentalité positive : « On ne se comprend plus ! »
Un guide pour aider les parents à traverser la période 12 à 17 ans de leurs kids. Sachant que l’autrice nous a déjà fourni en ouvrages pour les âges antérieurs*. J’allais écrire « les autres âges épineux », comme si la période de l’enfance et adolescence, si courte, n’était qu’un parcours du combattant pour les valeureux géniteurs. Mais bien sûr que je me trompe, hein !? Tout n’est que fleuve tranquille de miel, mots doux et sourires. Il n’empêche….
Depuis la nuit des temps !
Rien que la citation en introduction d’On ne se comprend plus ! donne à réfléchir et à calmer le jeu.
« Cette jeunesse se conduit avec une suffisance intolérable.
Elle croit avoir la science infuse.
Quand moi j’étais jeune on nous apprenait les bonnes manières et le respect que l’on doit à ses parents.
Mais la nouvelle génération n’a de cesse de contester et elle veut avoir raison.
Il est un fait certain que les jeunes sont d’une extrême insouciance »
Les travaux et les jours. Hésiode, VIIIè siècle avant j-C.
Incroyable non ?
L’éclairage biologique
Ce qui est très intéressant dans ce livre et nouveau, c’est qu’outre les multiples cas de figure qui peuvent se présenter par tranche d’âge (voir exemple sur photo) On ne se comprend plus ! explore la psychologie des adolescents, ainsi que certaines composantes biologiques et physiologiques, et aide ainsi à poser un regard nouveau sur les motivations de leurs comportements – souvent inconnues des parents autant que des ados.
Ainsi, je suis très fière d’avoir confirmation qu’une chose que j’applique chez moi « à l’intuition » depuis un bon moment suffit largement pour se faire « obéir » sur certains points : un mot suffit plutôt qu’un long discours. Ainsi, mes « table », « douche » (ceux qui ont un ado garçon comprendront), « rangement table basse » suffit largement pour que l’enfant comprenne ce qu’il a a faire. Ces mots lâchés tels quels sont tout aussi efficaces qu’une phrase entière prononcée, et relevant de ce qu’on a souvent vu en parentalité positive, genre « il me serait fort agréable que l’assiette qui gêne l’espace commun en restant sur la table basse soit débarrassée ». Le kid, vous l’avez déjà perdu dès « me serait ». Alors qu’un seul mot aide à vous reconnecter à lui. Et c’est bien plus reposant pour vous.
Ne me prenez pas pour une barbare, ceux qui me connaissent savent à quel point je poupoule, materne, bisouille, cajole, mais j’avais semble-t-il compris depuis longtemps ce qu’Isabelle Filliozat explique dans On ne se comprend plus ! Le cerveau des pré-ados et ados se trouve dans une telle transformation que parfois, s’adresser à eux demande un nouveau langage, oral, corporel, émotionnel.
Le cerveau en chantier !
Pour vulgariser ses explications à propos de ce qui se passe dans la tête des jeunes, Isabelle Filliozat utilise des images explicites. « Quand les nouvelles autoroutes seront opérationnelles, les trajets seront plus rapides, mais en attendant certaines petites routes sur les côtés sont fermées à la circulation et les autres sont surchargées (…) Les chemins les plus utilisés sont renforcés et les autres sont supprimés (…) réseautage du cerveau (….) ce ré-aménagement fait aussi revisiter à l’ado des routes tracées dans son enfance. Des blessures anciennes sont réactivées (…) faisant émerger des sentiments douloureux que l’adolescent ne comprend pas et qu’il a tendance à projeter sur ses figures d’attachement, notamment sur la principale, sa mère (ou la personne qui s’est prioritairement occupée de lui dans les neufs premiers mois de sa vie ».
Eclairant non ? Et bien tout le livre est du même acabit : il offre un nouvel angle de vue sur les comportements de nos enfants (et ceux des autres) et ça fait du bien.
Ces explications et images de réseau routier m’ont franchement permis de regarder mon fils et ma fille d’un autre oeil. Non, certaines de leurs attitudes ne relèvent pas de l’insolence ou de la mauvaise volonté, simplement ils subissent de tels changements que tout ne peut être comme « attendu » (par le parent). Ces éclairages par la biologie sont parfaits pour relativiser, même si ces mêmes explications et schémas sont assez complexes. J’avoue, je n’ai pas cherché à tout comprendre. Savoir seulement que c’est souvent purement physique et inévitable me convient très bien et permet de prendre de la distance. Limite : on ne se sent pas / plus personnellement visé, on déculpabilise, on se sent moins seul. Un exemple : quelque chose que notre enfant savait faire très bien à 8 ans peut ne plus être automatique / réussi à 15 ans car à 15 ans le cerveau a dû se ré-aménager, faire de la place, mettre de côté des acquis. Ca c’est une donnée que je n’avais pas.
L’aide par l’explication
Biologie, pression physique, hormones, corps en transformation, ok, mais on fait quoi ?! Au secours quand même.
Comme le dit l’autrice : “L’adolescent se retrouve avec une pédale d’accélération si sensible qu’elle se déclenche sans qu’il ait un mot à dire, et une pédale de frein lourde et aux câbles pas toujours bien connectés au moteur”. Au delà des explications, elle ne nous laisse pas en plan à attendre que ça passe et nous propose des pistes pour traverser ensemble cette période pour laquelle je vous laisse le soin d’ajouter le qualificatif qui correspond le mieux à votre foyer.
Car l’adolescence peut être longue et les hauts et bas nombreux… Le principal est que nous, parent(s), restions le porte-avions stable / fiable sur lequel notre enfant aura toujours envie de venir se poser en cas de besoin. Chouette image pour nous inciter à user de tous les outils possibles pour rester « figure d’attachement », celle vers laquelle on retourne en cas de danger.
Une maquette claire
Après les chapitres d’introduction (Une période difficile pour le parent – Un corps un coeur et un cerveau en chantier – Hypersocialistion, appartenance et statut social), des situations pouvant survenir dans chaque tranche d’âge sont exposées et illustrées et présentent tout ou partie des éléments suivants :
. un dessin campe une situation
. un autre dessin donne le vécu de l’ado face à cette situation (« je vais te dire ce qui se passe dans ma tête »)
. une ampoule indique le texte éclairant la situation sous l’angle des découvertes des neurosciences et de la psychologie expérimentale
. des options de parentalités positive et empathique sont écrites en gras
. un i majuscule indique une ressource à retrouver sur le site d’Isabelle Filliozat (exercices, méditations audio, vidéos..)
Et ceci pour les 11/12 ans, puis 13 ans, 14 ans, 15 ans, 16 ans
Pour finir par un chapitre consacré à notre vrai pouvoir de parent. Rappelez-vous du porte-avion !
Bon je n’insiste pas en disant que ce guide est excellent ?
On ne se comprend plus – Isabelle Filliozat – Illustrations d’Anouk Dubois (lire son avant-propos !)
Editons Jean Claude Lattès – 18 € / Site
* précédents guide d’Isabelle Filliozat :
- « J’ai tout essayé » (1 – 5 ans)
- « Il me cherche » (6 – 11 ans)