La Ménagerie du Mariage
Alerte
C’est le couple de babouins, hurlant et gesticulant qui me réveilla au petit matin. Je compris immédiatement que leur agitation était un signal d’alerte.
J’enfilai à la va-vite short et t-shirt et me précipitai dans le lobby où je me cognai dans Adam, le Directeur de la réserve, colosse buriné, qui m’informa qu’un incendie s’était déclaré dans l’enclos des hyènes. Il tenait sous le bras une petite autruche, tandis qu’un pingouin passait derrière eux, ce qui ne m’étonna pas au regard de l’agitation ambiante.
Je courus dans la chambre de mes acolytes. Las, ils avaient largement fêté, la veille, la fin de mon stage et mon départ vers l’Ouest, et j’eus un mal fou à les faire revenir de leurs limbes alcoolisés. Seul un verre d’eau glacée sur leurs tignasses parvint enfin à les faire réagir et obtempérer à mes ordres.
Boa de chair
Jefferson le régisseur me retrouva dans le couloir. Nous nous ruâmes sur une Jeep, mais j’hurlai en m’asseyant côté passager, un boa y ayant déjà pris place. Jefferson s’esclaffa, il s’agissait de Bob, son reptile « domestique », qu’il avait emporté « au cas où » … Bob-le-boa remis dans son sac, nous filâmes vers les hyènes.
Elles avaient été évacuées vers l’enclos des jeunes cervidés qui, énervés par l’odeur de fumée qui se répandait partout, et peut-être par les phéromones de stress dégagées par leurs invitées, se mettaient à frotter leurs bois, en des prémices de duels similaires à ceux de la saison des ruts.
Les pompiers me rassurèrent : le feu – probablement dû à la défaillance électrique d’une clôture – serait rapidement circonscrit.
Mauvaise nouvelle
J‘invitai le Shérif, qui nous avait rejoints, à retourner au pavillon central, et à m’aider à faire converger les girafes vers le bassin d’ornement où elles pourraient boire.
C’est à ce moment qu’en qualité de responsable des entrées et sorties sur le district, il toussota et lança :
– Vous comptez toujours partir demain ?
– Oui bien sûr, l’incendie pose-t-il un problème en cela ?
– Non, ce qui pose problème, c’est que votre passeport est périmé… je m’en suis rendu compte hier soir très tard en sortant votre dossier administratif, j’allais vous appeler à la première heure à ce sujet.
– Périmé, vous êtes sûr? C’est tout simplement pas possible ! Je dois absolument rentrer chez moi, je dois me marier ! La cérémonie a lieu la semaine prochaine, vérifiez !
Un cacatoès ébouriffé se posa sur mon épaule, me faisant éternuer de ses plumes vaporeuses, ce qui…. me réveilla.
Séraphine, ma fidèle nounou, me chatouillait le nez d’une plume du chapeau de cérémonie qu’elle avait déjà vissé sur sa tête. Au dessus de son épaule, Wiss et Titi, les jumeaux qui me servaient accessoirement de frères, sautaient sur mon lit en hurlant :
– C’est ton mariage, c’est ton mariage, c’est la fête !
Urgence
Un coup d’œil vers mon réveil et je vis avec effroi que j’avais déjà une heure de retard sur mon timing. Je sautai dans un jean et me précipitai dans le hall de la propriété que nous avions réservée pour les festivités. J’y trouvai mon père, goguenard du haut de ses 2 mètres, m’annonçant qu’il y avait « drame » dans les chambres des ados, un fer à lisser ayant provoqué un court circuit. Plus aucune prise ne fonctionnait, le chauffe-eau était out, et toutes les filles s’énervaient. Puis il s’esclaffa, avant d’embrasser dans le cou sa nouvelle poule, dont la distinction n’avait d’égale que la hauteur de son QI. Un maître d’hôtel qui passait derrière eux ne manqua pas de reluquer le postérieur de « ma belle-mère du mois », ce qui ne m’interpella pas plus que ça, j’étais habituée.
– Tu devrais y aller ajouta mon père, Nous, on a proposé qu’elles profitent du dortoir des garçons. Eux, tout émoustillés, étaient OK, mais elles ont joué les vierges effarouchées
Comme si je n’avais que ça à faire, régler les soucis capillaires de mes cousines…. Mes « témouines » seraient parfaites pour ça, après tout cela tenait de leurs prérogatives.
Mais je dus me rendre à l’évidence que l’enterrement de ma vie de jeune fille de la nuit passée avait été bien arrosé, ce qui expliquait d’ailleurs mon réveil tardif et un vague souvenir de rêves animés.
J’avais même un sentiment d’écho, que je ne parvenais pas à définir.
Les filles, mes témoins, ne me furent d’aucun secours, malgré les grands verres de thé glacé que je leur servais.
Boa de plumes
Je trouvai dans le hall de l’hôtel un employé qui accepta de m’emmener aux dépendances dans une voiturette de golf. Sur la banquette arrière, je découvrais le boa de plumes de ma mère. Le chauffeur sourit :
– Ah c’est votre mère ?!! Je l’ai reconduite hier soir du restaurant, un peu pompette… mais drôle !
Arrivée à l’étage des filles, où l’électricien finissait son intervention je saluai les garçons, excités comme des animaux en rut, et les filles, piaillant à ne plus s’entendre.
Revenue au bâtiment central, je tombai sur Sharif, mon futur beau-père, maire de notre village, et qui allait donc nous marier. Il arrivait en même temps que mes amies, toutes en jambes et talons de 10 cm… Après les effusions de mise, nous les dirigeâmes vers la piscine où un rafraîchissement leur était servi.
Sharif m’accompagnant pour un café bien mérité.
La gaffe
– Alors ma cocotte, pas trop stressée ? Allez, dans deux jours, c’est grands espaces, dépaysement et aventure !
– Ah?? Euh… de quoi parlez-vous ?
-Oups… oublie, j’ai rien dit
– Ah non, trop tard, dites moi ! Car s’il y a voyage en vue, il y a problème, mon passeport est périmé.
– Périmé, tu es sûre ? Mais vous êtes attendus pour un safari au Kenya, murmura Sharif
– Et bien nous irons au zoo de Beauval, Arnaud aurait dû vérifier où j’en étais au niveau papiers avant de tout réserver. C’est tout lui ça.
– Ecoute, il a forcément regardé la date d’expiration avant de se lancer, vérifie !
A cette injonction, j’eus un déclic, et revis des bribes du rêve de la nuit passée. J’explosai de rire et rassurai Sharif, mon passeport était bien valable – je l’avais fait refaire pour mon stage chez Adam deux ans auparavant !
SC