Les mains du miracle, de Joseph Kessel
A l’instar d’Aliocha (article ici), encore une bonne pioche sur la table de chevet de mon fils : Les mains du miracle de Joseph Kessel.
Une lecture incroyable pour une histoire tout aussi folle, totalement réelle, que je ne connaissais pas. Et pourtant, de quelle importance dans l’histoire de la seconde guerre mondiale, et dans l’histoire de l’humanité en général !
Dans Les mains du miracle, Joseph Kessel, oui le grand Kessel, relate (en romançant probablement un peu les contours, les faits principaux étant rigoureusement exacts) l’histoire du Docteur Félix Kersten, le seul homme capable de soulager de ses douleurs le terrible Himmler, chef de la Gestapo, numéro 2 du Reich après Hitler.
Et comment, par l’ascendant qu’il avait sur le chef de tous les bourreaux nazis, il a pu sauver des milliers de vies.
Des mains qui soignent : Felix Kersten, de famille finlandaise émigrée en Estonie, installé en Hollande, reçoit pendant ses études de médecine l’enseignement d’un sage tibétain qui lui apprend l’art du massage thérapeutique, basé sur le toucher des nerfs, qui demande une finesse tactile hors du commun.
Très vite, Kersten excelle dans ses soins et sa réputation franchit les frontières géographiques et de classes sociales. Il soigne aussi bien les têtes couronnées que les anonymes. Un jour, Himmler le fait appeler pour examiner son propre cas : il souffre terriblement de l’estomac, depuis longtemps, et aucun médecin n’a pu jusqu’alors le soulager de ses crises aiguës et fréquentes.
Cas de conscience : jusqu’où doit aller un médecin ? Doit-il oublier le tortionnaire qui le demande à son chevet et aller au bout de son serment ? Ou renoncer à aider l’être abject qui l’implore qui n’en reste pas moins un humain à secourir ? Finalement, mu par une certaine inspiration, Kersten accepte de rencontrer Himmler et le soignera pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale.
Guérir pour obtenir : Pour le nazi, le Docteur Kersten deviendra son sauveur et « son seul ami », « le seul en qui je puisse avoir confiance ».
Profitant de cette aura, et usant de flatteries dont il avait compris l’impact pour atteindre le coeur et le discernement de son patient, le thérapeute extorquera, séance par séance, des libérations, convois sanitaires, annulations d’exécutions et de dynamitage des camps de concentration, jusqu’à l’abandon du projet de déporter en masse toute la population néerlandaise (seul fait contesté par ailleurs par un historien argumentant qu’aucune déportation de cette ampleur n’était envisagée).
Un livre dans lequel l’auteur, si grand soit-il, disparaît derrière le récit de faits historiques. Peut-être parce qu’il a des doutes ? Comme il l’indique lui-même en préambule, Kessel a eu besoin de beaucoup parler avec Kersten pour s’assurer de la véracité des faits.
Même s’il l’ampleur des actions dont se targuait Kersten peut laisser certains dubitatifs, il n’en reste pas moins que la plus grande majorité a été vérifiée, attestée, témoignée et pour cela, on peut lui rendre hommage en commençant par lire cet ouvrage passionnant sur l’Histoire, et l’histoire entre deux personnalités hors du commun, la plus effacée manipulant complétement l’autre, pour le salut de milliers d’enfants, femmes et hommes.
