Les Amours d’un Fantôme, « prix Vendredi » !
Pour cette chronique de novembre, Nathalie Riché a choisi de saluer Nicolas de Crécy qui vient de remporter le prix Vendredi.
Pour son premier livre à destination des ados, Nicolas de Crécy frappe fort. Son roman graphique Les amours d’un fantôme en temps de guerre a reçu le prestigieux prix Vendredi couronnant le meilleur livre jeunesse de l’année.
« Je suis jeune.
Quatre-vingt-neuf ans.
L’adolescence est toujours un cap difficile ; les boutons, le duvet sous les bras, les membres qui s’allongent. Toutes ces choses un peu dérangeantes qui poussent et qui font voir son propre corps sous un angle improbable.
Curieusement à ce jour, je n’ai rien remarqué de cet ordre. Mon adolescence n’a peut-être pas encore débuté, et à dire vrai je ne m’en plains pas.»
Le narrateur qui raconte son histoire sous forme de flash-back est un petit fantôme de maison. Celle de son enfance est une grande bâtisse de pierre rose, baignée du soleil du Sud, protégée par de grands volets blancs à l’ombre des cyprès. On y pressent la fraîcheur intérieure. On pourrait se trouver chez Giono ou chez Pagnol mais si l’histoire débute avec la douceur du conte, c’est bel et bien à une sombre épopée à laquelle nous convie Nicolas de Crécy. Et c’est peu dire que rien ne prédestinait ce préadolescent qui n’aspire qu’à vivre ses premiers émois amoureux, à traverser les conflits majeurs du XXe siècle.
Tout commence à la suite d’une balade nocturne. Le petit spectre retrouve sa maison désertée, les parents envolés. Boris, un cousin de sa mère, découvre le jeune fantôme prostré, depuis des semaines, sous un fauteuil du grand salon. Ensemble, ils traversent le pays, arrivent dans un drôle d’igloo où des semblables s’activent à imprimer des tracts « Vivre libre ou mourir » ou « La désobéissance est le plus sage des devoirs ». Qui sont ces gens ?
Avant de repartir, Boris confie à notre jeune héros une autre maison à hanter en compagnie de Lili, fantôme de quinze ans son aînée, dont il tombe aussitôt amoureux. Ici passent, heureuses, les heures d’insouciance auxquelles toute jeune personne a décemment droit.
Pourtant les temps sont à la guerre. Boris leur apprend que leurs parents ne sont pas en vacances mais engagés dans la Résistance. Il leur faut combattre les FA, les fantômes acides, c’est-à-dire « les fantômes aigris et contrariés » animés par la haine des autres. A cette annonce, naît une vocation chez les deux jeunes épris d’aventure : rejoindre leurs parents et devenir résistants à leur tour.
Notre petit fantôme devra grandir à toute vitesse. Il connaîtra son premier grand chagrin, découvrira l’horreur de la trahison, s’attachera à une petite chienne noiraude, croisera la guerre et ses FA et surtout s’engagera dans la cause avec courage et brio. Enfin, il rencontrera un amour impossible, une humaine de treize ans, cachée dans une maison en raison de la guerre, qui consigne son vécu dans un journal. Une petite fille célèbre qui inspirera plus tard à notre fantôme l’envie d’écrire sa propre histoire.