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Les corps conjugaux, Sophie de Baere

Les corps conjugaux Sophie de Baere, qui, en 2018,  avait enthousiasmé nombre de lecteurs avec son premier roman La dérobée (éditions Anne Carrière) nous livre dans Les corps conjugaux, paru dernièrement, un récit assez stupéfiant. Une histoire « inventée », certes, mais qui me demandait, avant de vous en livrer ma « critique », à comprendre comment l’auteure en est venue à l’imaginer. Ce qui vous laisse sous-entendre combien le texte m’a interpellée, au point d’outrepasser le droit de l’écrivain à inventer, sans se justifier, sans expliquer.

Avant de vous livrer la réponse de Sophie de Baere, que je remercie vivement pour sa disponibilité, quelques précisions.
Ce livre doit être commenté sans en dévoiler le déclencheur tragique ce qui gâcherait tout. Je vais donc me contenter de vous le présenter tel que vous le trouverez en librairie :
« Fille d’immigrés italiens, Alice Callandri consacre son enfance et son adolescence à prendre la pose pour des catalogues publicitaires et à défiler lors de concours de beauté. Mais, à dix-huit ans, elle part étudier à Paris. Elle y rencontre Jean. Ils s’aiment intensément, fondent une famille, se marient. Pourtant, quelques jours après la cérémonie, Alice disparaît. Les années passent mais pas les questions. Qu’est-elle devenue ? Pourquoi Alice a-t-elle abandonné son bonheur parfait, son immense amour, sa fille de dix ans ? »  (extrait du site de l’éditeur)

Comme vous l’aurez compris, Les corps conjugaux m’a happée. L’écriture, le style, impeccables, tiennent un récit savamment construit pour plonger le lecteur dans les mêmes affres que les protagonistes. Ainsi que le mentionne l’auteure ci-dessous, nous sommes dans une tragédie (contemporaine) tout à fait comparable aux tragédies classiques, fondatrices de la littérature et témoins de l’universalité et l’intemporalité des sentiments humains. Ici, l’AMOUR (polymorphe) se bat tantôt avec, tantôt contre la culpabilité, la morale, la peur, la honte. Avec et contre le destin et la mort.

Ce que m’a dit Sophie de Baere à propos des Corps conjugaux :

tout en évitant d’en dire trop… mais qui vous éclaira en cours ou fin de lecture. Ou vous donnera envie de lire ce roman.

« Un jour, je suis tombée par hasard sur un fait divers incroyable et glaçant au Brésil. Celui d’un bonheur parfait, paisible… et soudain la gifle »

J’ai trouvé cette histoire très romanesque, digne des plus grandes tragédies grecques puisqu’ici un événement hors du commun contraint des personnes à passer le reste de leur existence à se battre contre leur destin. Je me suis alors dit que cet événement était sans doute ce qui pouvait arriver de pire quand on s’aime. En effet, ici, c’est pire que d’être séparé par la mort.

Comme dans la tradition des tragédies antiques, la seule issue semble être la folie, la mort ou la honte éternelle. Et c’est d’ailleurs pour éviter de livrer sa fille et son mari à l’opprobre qu’Alice, dans un geste d’amour désespéré, décide de disparaître.

A travers cette histoire, j’avais donc envie d’interroger le poids de l’amour, sa profondeur. Jusqu’où peut-on aller par amour? Ce que vivent Alice et Jean, je l’ai vu, en quelque sorte, comme une parabole de toutes les histoires d’amour empêchées parce qu’interdites, que ce soit d’un point de vue moral, religieux, social, légal,…

Alice vit de manière exacerbée tout le tragique de notre condition humaine : les variations entre bonheur et désespoir, la précarité d’une existence que seulement quelques mots peuvent détruire.

Et puis je trouvais aussi intéressant de suivre le parcours d’une femme qui, pour préserver sa fille et son époux de ce qu’elle estime trop destructeur, choisit de s’effacer, de disparaître et de perdre jusqu’à sa propre identité. Je voulais explorer ce que cette succession d’épreuves et cette errance allaient pouvoir changer profondément chez elle. D’ailleurs son amour pour Jean se transforme en même temps qu’elle-même se transforme aussi. Le thème de la métamorphose est en quelque sorte une de mes obsessions intimes ! » Sophie de Baere

Mon petit bémol (Top-Topic) : le rythme qui s’essouffle au niveau du 3è quart du récit, pour reprendre à partir du dernier quart.

 

Les corps conjugaux – Sophie de Baere – Jean Claude Lattès (site)  – paru janvier 2020
336 pages – 20 €