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Lectures de Mai – 1

Oh les jolis ponts de mai propices à la lecture !

 

 

lectures mai

« Le Suspendu de Conakry »
Auteur Jean-Christophe Rufin 

 

Propos : Aurel Timescu, Consul de France en Guinée (comme son nom ne le laisse pas deviner) enquête, en parallèle des autorités sur place, sur la mort violente et sauvagement mise en scène d’un ressortissant français dans la marina de Conakry.
Aurel a été exfiltré de la Roumanie des Ceauscescu. Ancien pianiste de bordels parisiens, buvant du vin blanc comme nous de l’eau minérale,  il est capable de nouer une cravate sur son col roulé – car même sous le climat guinéen il chausse des lunettes de montagne et des vêtements d’hiver. Homme excentrique et solitaire, il pressent qu’une version officielle du meurtre sera imposée avec des coupables idéaux s’il ne résout pas lui-même l’énigme, par ses propres moyens.
L’arrivée de la sœur du défunt va le galvaniser en ce sens. Il faut dire que Jocelyne lui témoigne confiance et intérêt, alors qu’Aurel est plutôt habitué aux  sarcasmes et mépris de sa hiérarchie, de ses collègues, et de ses subalternes.

Avis : Un excellent roman, premier d’une trilogie promise ! Même s’il s’agit d’un roman « facile » qu’on dévore en quelques heures, qu’il est bon de revenir à une écriture classique, construite, au vocabulaire riche mais fluide, et sans pédanterie. N’oublions pas que Rufin siège à l’Académie Française.
J’ai adoré le côté anti-héros d’Aurel, ses raisonnements, l’évocation des délicats rapports et enjeux humains, politiques et diplomatiques autour de quelque trafic (je ne spolie pas….).

Editions Flammarion – Paru mars 218 
310 pages – 19,50 €

 

 

 

lectures mai

 

« Mon frère »
Auteur Daniel Pennac

Maquette : l’alternance d’extraits du Bartleby d’Herman Melville (1853)  et les souvenirs de Pennac pour son frère Bernard, son aîné de 5 ans, mort en 2007.
61 chapitres d’une 1/2 à 3 ou 4 pages

Propos : Pennac, a « mis en scène » Bartleby après une fulgurance  : doublé à vive allure sur l’autoroute par une voiture de sport alors qu’il pensait à son frère disparu, comprend qu’il vient d’être dépassé par l’exact contraire de son aîné. A  la vue de ce bolide, Bernard aurait probablement gentiment ironisé « on ne va tout de même pas ajouter à l’entropie* ». Oui, c’est cela, Bernard avait un côté Bartleby et son célèbre « I would prefer not to », « Je préférerais pas »
Les extraits du classique de Melville se mêlent judicieusement à des faits précis de la vie de Bernard, de son caractère qui en faisait le préféré de tous.
Bernard devient un personnage littéraire,  à l’écart de la société de consommation, de l’arrivisme, du carriérisme. Un être qu’on se met à aimer nous aussi, lui qui a souffert de deux échecs sentimentaux. Un frère avec lequel Daniel a parcouru 60 ans de vie, sans aucune dispute, avec énormément d »amour, mais sans secrets partagés. Alors, qui Daniel a-t-il perdu ?

Avis :  J’ai beaucoup aimé cette construction qui donne du corps aux souvenirs. Sans le texte de Melville, sans les digressions de Pennac sur ce texte et la perception qu’en a eu le public venu l’écouter, « Mon frère » aurait pu n’être qu’un texte émouvant sur un être disparu qui manque cruellement à son frère, mais avec lequel nous ne serions pas forcément entré en communion.

Editions Gallimard – Paru  avril 2018
129 pages – 15 €
(* entropie : état de désordre d’un système)