Les ecchymoses invisibles, au Théo Théâtre
Isabelle Mattera a vu Les ecchymoses invisibles, une pièce saisissante
Les ecchymoses invisibles… ou la violence faite aux femmes.
Trop souvent, on réduit la violence à la violence conjugale physique, aux coups et aux blessures.
En réalité, il existe de nombreux types de violence conjugale. Mais la violence conjugale psychologique est également une forme de violence bien réelle. Les plus fréquentes étant les humiliations, le harcèlement, les menaces, les injures.
Chaque année, ce sont entre 100 et 200 personnes qui décèdent des suites de violences conjugales. La grande majorité de ces victimes tuées étant des femmes. Autrement dit, une femme meurt tous les 2 ou 3 jours en moyenne à cause des violences conjugales.
La pièce de Djamel Saïbi nous démontre ici avec brio, tous les rouages de cette descente aux enfers.
De la violence verbale à la violence psychologique permanente, le manipulateur franchit la plupart du temps la barrière de la violence physique lorsqu’il sent que sa victime est sur le point de faire éclater la vérité.
Il sait vous séduire, vous dire ce qui vous plaît et ce que vous voulez entendre. Dans une relation amoureuse, il est l’homme idéal, le prince charmant attentionné et vous comble… jusqu’à ce que le masque tombe et qu’il se révèle odieux.
La pièce écrite par Djamel Saïbi témoigne de l’enfer vécue par l’une de ses amies… mais également celui vécu par toutes ces victimes anonymes. Les Ecchymoses invisibles pointe toutes les facettes du mécanisme de l’emprise. On entre dans la tête de la victime Corinne, incarnée ici par Emma Dubois avec tellement d’émotion et de sensibilité, qui nous fait éprouver son angoisse et sa peur… Elle qui ne travaille plus et qui a petit à petit perdu ses amis, ses filles et ses parents. Elle qui survit et qui s’accroche encore aux souvenirs idylliques des débuts de leur liaison. Espérant contre vents et marées que l’homme dont elle est tombée amoureuse il y a 24 ans va finir par changer…
Et lui, Michel, son bourreau magistralement interprété par Eric Moscardo qui sait être brillant et enjôleur et l’instant d’après froid, calculateur et colérique… le monstre transparaît peu à peu sous l’homme pétri de principes, de valeurs et d’instruction, incapable de maîtriser ou d’endiguer son trop plein de rancœur, de souffrance et ce sentiment d’abandon lié à l’enfance…
L’ambivalence des sentiments entre les deux protagonistes est palpable. On oscille entre l’amour et la haine, entre le désir et le dégoût de l’autre… A chaque échange, on reste suspendu aux paroles de l’un, au mutisme de l’autre… la violence rampe, se repend… la tension sourdre à chaque instant et c’est là le talent de l’auteur et des comédiens… on est suspendu jusqu’au dénouement final… qu’on redoute, qu’on espère… Suspendu aux mots qui nous compte les maux de chacun des protagonistes de cette douloureuse histoire !
Cette pièce ne peut pas laisser indifférent, on en sort émotionnellement secoué, dérangé, choqué… mais en tout cas avec la certitude qu’il est plus que temps de parler et de témoigner pour qu’enfin cette insupportable violence cesse.
Isabelle M.
Les ecchymoses invisibles – Théo Théâtre, 20 rue Théodore Deck Paris 15è
du jeudi 13 février 2020
au jeudi 30 avril 2020
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